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Mon but ? Etre le déclic !

Dans son ouvrage intitulé « Fumer à tout prix : Je t’en supplie, maman, arrête de fumer » *, Marianne Wéry, relate avec amour et émotion les dernières années passées auprès de sa maman âgée et malade BPCO, fumeuse depuis son adolescence. L’auteure raconte la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) au travers de l’amour d’une fille non fumeuse pour sa mère fumeuse. Du diagnostic initial de BPCO stade 1 à la décision de sa mère de refuser l’acharnement thérapeutique en débranchant le cordon qui la relie à l’oxygène, en passant par les alertes et les séjours en réanimation, cette histoire d’amour filial ébranle fumeurs, non fumeurs mais également proches de fumeurs qui se reconnaîtront à de nombreuses reprises.  
Association BPCO : Votre ouvrage est un livre-thérapie. Vous dites que vous couchez « des mots sur une feuille, pour permettre d’accepter l’inacceptable ». Mais votre espoir n’est-il pas aussi d’accompagner celles et ceux qui souffrent de la « maladie tabagique » ?

Marianne Wéry : « Au départ, j’ai écrit ce livre pour me relever de ce que nous avions vécu -maman a fumé jusqu’au dernier jour- et surtout pour tenter de comprendre ses décisions. Puis, le pneumologue qui a suivi ma mère, à la lecture de mon manuscrit qui n’était pas destiné à être publié, m’a vivement incité à le diffuser après m’avoir confié qu’il avait appris beaucoup, car il ne connaissait pas la maladie du point de vue de la famille et des proches et que ceux-ci avaient finalement un rôle primordial à jouer. Il a été surpris que je sois si attentive à la moindre modification de comportement de ma mère et le fait que j’ai pu, par deux fois, déceler une carbonarcose** sans même en connaître le terme et ainsi lui sauver la vie. Si une seule personne devenait abstinente grâce à mon témoignage, j’aurais atteint mon objectif. Aujourd’hui, en ce mois d’octobre 2018, au moins 8 personnes ont cessé de fumer et m’ont assuré le devoir à la lecture de mon livre.

En quoi votre approche est-elle originale ?

Je partage de l’intérieur les dégâts provoqués par cette maladie silencieuse, sournoise, addictive et mortelle qu’est le tabagisme, la progression implacable de la BPCO chez un fumeur. Je l’ai écrit sans concession. Il est empreint de respect, de tolérance et d’empathie, sans discours moralisateur envers les fumeurs.

Plutôt que de condamner ma maman, j’ai tenté par l’écriture de comprendre ce que signifie le verbe fumer, en analysant la gestuelle et ce besoin qu’éprouvait ma mère.

La souffrance des proches est bien réelle. On se sent impuissant. Sans enjoliver ni tomber dans le psychodrame, je raconte la BPCO de ma mère comme je l’ai vécue.

Votre maman était une fumeuse invétérée et vous écrivez : « il n’y a pas à comprendre [l’addiction, ndlr], il faut juste l’admettre » ? La décision d’arrêter vient du plus profond de chacun et tenter de convaincre les gens est-il vain ?

C’est l’histoire d’une lente dégradation physique et le chemin vers la mort. C’est aussi celle d’un choix de vie, illustré par les propos de ma mère lorsqu’on lui annonce le diagnostic : « Docteur, je vous arrête tout de suite, il n’en est pas question. Non, je n’arrêterai pas de fumer ! ». C’est un combat contre une addiction qu’elle refuse de mener. Elle a rejeté la possibilité de stabiliser sa maladie. Ma mère aimait fumer. La cigarette était une compagne de vie pour elle, mais également un plaisir (« Et comment, j’en ai envie. Bien sûr que ça me fait plaisir »), une phrase prononcée juste avant ses adieux aux siens et à la vie, lorsqu’elle parvient – difficilement – à fumer sa dernière cigarette.

J’ai cessé de combattre son addiction. J’ai dû l’admettre et j’ai décidé de lui montrer mon amour. J’ai cru qu’elle préférait la cigarette à sa fille, ce qui en réalité est aberrant.

De nombreux lecteurs se sont identifiés à ma mère. Les uns ont pris la décision d’arrêter de fumer, d’autres celle de poursuivre. Certains ont vraiment compris ce qu’était la maladie tabagique, la BPCO, et refusent de vivre la lente agonie de ma maman. Certains non-fumeurs vivent avec des fumeurs et sont perpétuellement dans le conflit. Mon livre leur a permis de baisser les armes.

Les médecins savent-ils réellement faire prendre conscience du danger lié à la BPCO ?

Je dirais plutôt qu’il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut entendre. Il n’y a pas que le cancer du poumon qui conduit vers une issue fatale. Or il occulte complètement la BPCO dans les discours et l’esprit des gens. Lorsqu’on a annoncé le diagnostic à maman, elle a uniquement entendu qu’elle n’avait pas de cancer. Les médecins expliquent la théorie et ma maman n’a retenu que le terme de « bronchite chronique », qui ne l’a pas effrayée outre mesure. Tout le monde souffre de bronchite et « chronique » signifiait juste qu’elle en souffrirait à plusieurs reprises.

Vous publiez à la fin du livre le témoignage de lecteurs, atteints de BPCO dont celui-ci :

 Je lis donc ce livre, ce fameux livre qui m’a fait passer par toutes les émotions… Je pleure, mais, surtout, j’angoisse. Je sais maintenant ce qu’est la BPCO, je ne peux plus nier… J’ai donc pris LA décision qui va changer ma vie, me stabiliser ma maladie et me sauver. Après une visite chez la tabacologue [], j’ai mis mon premier patch pour arrêter de fumer.

Que vous inspirent-ils ?

Je ne suis pas totalement certaine que ce soit la prise de conscience de la mort qui motive la décision d’arrêter le tabac. Tous les jours, les images collées sur les paquets la leur rappellent. Cela provient plutôt d’un sursaut, d’un moment de lucidité, d’un déclic. Au lieu de prendre les fumeurs par les sentiments, il me semble qu’il serait plus profitable de les encourager et de leur expliquer qu’il existe des méthodes de sevrage, adaptées à chacun. L’envie d’une cigarette dure trois minutes. Faire diversion pendant ces minutes est l’une des clés, à mon sens, comme boire un thé, un verre d’eau à la paille, très lentement… C’est aussi réaliser qu’une rechute n’est pas un échec, mais une expérience qu’il faut analyser pour pouvoir être plus fort, la fois suivante ».

 

Depuis, Marianne Wéry donne des conférences en Belgique et se déplace désormais dans les écoles pour parler de son histoire mais surtout de la BPCO.

 

Propos recueillis par Hélène Joubert, journaliste.

*« Fumer à tout prix : Je t’en supplie, maman, arrête de fumer », de Marianne Wéry (2018). Editions du Rapois 2018, 17,90 Euros.

** État de somnolence qui conduit au coma et engage le pronostic vital, résultant d’une surcharge en dioxyde de carbone dans le sang (hypercapnie).

 

 

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