Témoignages

« Le karaté a pris le relais de la réhabilitation respiratoire »

Jean-Pierre Jury, malade BPCO, 60 ans

Au club des « Arts martiaux montlouisiens » en Touraine, le 3 juin 2018, Jean-Pierre a obtenu sa ceinture marron de karaté. Il a passé ce grade parmi d’autres aspirants, tous des personnes valides âgées de 14 à 35 ans.

Représentant des patients au sein de l’association BPCO, Jean-Pierre Jury se défend de posséder une volonté hors-norme. Il a juste « saisi sa chance », celle d’avoir été inclus dans un programme de réhabilitation respiratoire, peu de temps après l’annonce de son diagnostic de BPCO sévère (2006) qu’il vit encore aujourd’hui comme une épée de Damoclès. Asthmatique, ex-fumeur… le verdict est tombé après de longues années d’errance diagnostique (une pseudo « bronchite asthmatiforme ») et de corticothérapie au long cours peu efficace. En réalité, Jean-Pierre était atteint de BPCO et déjà à un stade avancé (40% de Volume Expiratoire Maximal en 1 Seconde/VEMS). « Peu enclin à faire l’acquisition d’un vélo d’appartement ou de route, j’ai plutôt adopté un chien, raconte-t-il, pour la compagnie et l’exigence quotidienne des sorties. J’ai ainsi pris goût à l’exercice, à la marche… à la vie ; je me suis pris en charge. Mais ma chance est venue de mon pneumologue qui avait créé l’« Espace du souffle » à Tours avec des médecins et des kinésithérapeutes et m’a rapidement proposé de participer à des séances de réhabilitation respiratoire ».

« La réhabilitation respiratoire m’a permis de récupérer 30% de capacité respiratoire »

Prêt à tout, Jean-Pierre obtient alors un aménagement de son temps de travail et s’astreindra pendant deux ans à deux séances hebdomadaires de réhabilitation respiratoire. Echauffement avec des ballons, bicyclette d’entraînement, tapis de marche ou banc de musculation, ces séances de kinésithérapie respiratoire ont « réveillé son corps ». Il va même plus loin lorsqu’il répète à l’envi qu’elles lui ont « sauvé la vie ».

Après 24 mois d’assiduité, où Jean-Pierre a tout donné à chaque séance en se fixant des objectifs personnels successifs, l’effort a payé : sa VEMs est passée de 40% à 68%. Un gain considérable qui lui a permis de retrouver une vie « presque » normale et surtout l’envie de se battre. Il l’affirme : « il faut toujours se faire plaisir mais aussi se battre contre soi ».

Puis une rencontre. Par l’entremise d’un kinésithérapeute karatéka, Jean-Pierre découvre cet art martial. Et logiquement, « le karaté a pris le relais de la réhabilitation respiratoire, raconte-t-il. J’étais fin prêt pour prendre seul ma maladie à bras le corps, grâce à une discipline sportive d’autant plus exigeante qu’il faut être présent aux deux séances hebdomadaires, que je me blesse facilement, que j’ai de l’ostéoporose à cause d’années de cortisone (une fracture du pied) et que ma capacité respiratoire est inférieure à celle de mes partenaires ». Sur un ton volontaire et optimiste, Jean-Pierre -désormais ceinture bleue et on l’espère pour lui prochainement ceinture marron – assène sa conviction : « la réhabilitation respiratoire fait beaucoup de bien à condition de la suivre avec détermination. Sans quoi, aucune possibilité de regagner de la capacité respiratoire. Des mains se tendent vers nous, à nous de ne pas les trahir. Mais notre volonté est aussi mise à l’épreuve au quotidien : c’est marcher plutôt que monter dans un bus, gravir les escaliers etc. L’enjeu est simple : la vie ou la mort ».

Selon lui, l’autre avantage de la réhabilitation respiratoire est de de rompre l’isolement des personnes BPCO, porte d’entrée dans la sédentarité et le cercle vicieux qui aggrave la maladie.

Aujourd’hui, en plus du karaté, Jean-Pierre marche au minimum 8 km chaque soir. Son objectif est de courir cinq kilomètres d’affilée. Ceci afin de retarder au maximum le moment « d’avoir une bouteille d’oxygène pour compagnon ».

Propos recueillis par Hélène Joubert, journaliste.

 

Pour aller plus loin : Jean-Pierre, vu par son entourage