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BPCO : qu’est-ce qui contribue à mieux accepter la maladie ?

BPCO : qu’est-ce qui contribue à mieux accepter la maladie ?

Comme de nombreuses maladies chroniques dont fait partie la BPCO, plus celle-ci est handicapante, plus elle se rappelle à nous au quotidien. L’accepter devient alors plus difficile. Une étude à laquelle ont participé les adhérents de l’Association BPCO lève le voile sur ce qui peux gêner l’acceptation de la maladie*. Le premier auteur de cette étude, le Dr Léo Grassion, pneumologue à l’Hôpital Haut-Lévêque (CHU de Bordeaux), a accepté de nous livrer ses conclusions.

EN RÉSUMÉ
Etre en mesure d’accepter la maladie est l’un des facteurs majeurs d’amélioration de la qualité de vie, en particulier chez les personnes atteintes de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Dans cette étude française conduite entre mars et avril 2016 par téléphone auprès des patients adhérents à l’Association BPCO dans toute la France (questionnaire abordant de multiples aspects de la vie quotidienne), 28% des 356 patients BPCO répondeurs confient ne pas accepter la maladie (1). Leur maladie est généralement plus sévère et ils ressentent plus de difficultés à réaliser les actes de la vie quotidienne, en particulier une activité physique. Ils font également plus souvent part de difficultés pour comprendre la pathologie BPCO ainsi que d’une attitude plus souvent moralisatrice de leurs proches. Les personnes à risque semblent correspondre à une population plus jeune, plus féminine et au diagnostic plus récent.

Quelles nouvelles données votre étude apporte-t-elle?

Dr Léo Grassion

Dans la BPCO, comme dans toute maladie chronique, l’efficacité des traitements et des interventions thérapeutiques en général se mesure vis-à-vis de la qualité de vie. Les protocoles d’auto-apprentissage dans le cadre de la pathologie améliorent la qualité de vie (2), tout comme le fait de comprendre la maladie, l’appréhender, savoir y faire face et l’accepter (3-4). De plus, plus on accepte la maladie, moins les symptômes dépressifs sont présents (5). Cependant, aucune étude n’a exploré l’acceptation de la maladie dans différents aspects de la vie quotidienne ni identifié les déterminants liés à une mauvais acceptation de la BPCO, ce en quoi notre étude est originale. Nos résultats sont significatifs : plus la maladie est handicapante, plus elle est présente au quotidien et plus il est difficile de vivre avec et, par conséquent, de l’accepter.

Le handicap au quotidien freine l’acceptation de la maladie. N’est-ce pas enfoncer une porte ouverte ?

Oui, mais il était important de le démontrer. Deux autres points intéressants ressortent, dont la relation entre l’acceptation de la pathologie et des nuits de mauvaise qualité, un élément souvent oublié par les soignants dans leur prise en charge, alors même que c’est la troisième plainte la plus fréquence chez les personnes BPCO. Cela ressort vraiment comme un facteur important chez les patients qui n’acceptent pas leur pathologie. Par ailleurs, nos données pointent l’influence des proches. Dans notre étude, l’attitude moralisatrice des proches semble être un facteur entravant l’acceptation de la maladie (17% des proches des personnes qui n’acceptent pas la maladie contre 8%). Nous avons souvent tendance à parler au patient de manière assez médicale, à propos des médicaments, des risques… Or, les proches sont rarement présents et intégrés dans la prise en charge. Cela pourrait modifier leur attitude.

72% des patients acceptent néanmoins leur pathologie. Qui sont-ils ?

Ce sont des personnes qui ont moins de difficultés à faire les courses, à prendre une douche ou à passer une bonne nuit. Ils ont moins souvent des « relations amicales moins dégradées ». C’est logique, quand les amis s’en vont, on accuse encore plus le coup.

Dans ce groupe, il y a plus d’hommes (53 % dans le groupe « acceptation de la maladie » contre 37 % dans le groupe « rejet de la maladie »), les malades ont un stade moins sévère, font plus d’activité physique régulière (42% contre 25%) et sont moins souvent des fumeurs actifs.

Ce sont aussi ceux qui ont tiré profit de programmes de réhabilitation respiratoire !

Lorsque l’on demandait aux gens : « Trouvez-vous que vous avez ressenti un effet bénéfique de la réhabilitation respiratoire ? », ceux qui répondaient par l’affirmative étaient plus souvent ceux qui acceptaient la maladie, qui avaient fait le deuil de leur handicap. 85% des patients rapportent une efficacité de la réhabilitation dans le groupe « acceptation », contre 65% dans l’autre groupe.

En résumé, les variables associées à une mauvaise acceptation de maladie sont le tabagisme actif, les relations amicales dégradées, le stade 3 de la maladie, l’absence d’efficacité de la réhabilitation respiratoire et un diagnostic récent (moins de 5 ans).

Vous abordez aussi le problème de la compréhension de la maladie BPCO dans les déterminants péjoratifs d’acceptation de la maladie. Cela confirme que l’on accepte mieux ce que l’on comprend bien ?

En effet, les personnes qui ont du mal à comprendre leur maladie ont également du mal à l’accepter, à en faire le deuil. C’est une évidence, mais je pense qu’une grande proportion de patients BPCO peine à comprendre la pathologie, du fait notamment des messages discordants vis-à-vis du tabac à différentes périodes émanant des pouvoirs publics. Dans les années 1960/1970, on leur a fourni des cartouches de cigarettes à l’armée, et trente ans plus tard, une fois insuffisants respiratoires, on leur reproche : « Il ne fallait pas fumer »… Beaucoup découvrent la nocivité du tabac une fois malades et tombent des nues. Ils se disent : « Le tabac a brûlé mes poumons, il n’y a plus rien à faire ». Ils ne comprennent pas vraiment le principe de la maladie, de l’essoufflement, du risque d’exacerbation… Il faut reconnaître que c’est complexe et que la BPCO revêt des formes diverses (bronchites, exacerbations, handicap, essoufflement, etc.). Par manque de temps principalement mais aussi de volonté, de pédagogie, de connaissances, de nombreux médecins se contentent de la phrase : « C’est le tabac ». Et beaucoup de patients ne cherchent pas à en savoir plus.

Peut-on conclure de vos résultats que la clé est l’éducation thérapeutique du patient mais aussi de ses proches, dans l’environnement quotidien ?

Exactement, ce travail montre la place primordiale de l’éducation thérapeutique. En tant que soignants, nous devons tenter d’être le plus pédagogique possible, et d’intégrer les proches. Le patient devrait d’ailleurs être encouragé à les impliquer, à en parler autour de lui, à ne pas se cacher. La honte liée à l’oxygénothérapie, au fait d’être essoufflé, au handicap qui empêche de suivre le même rythme que ses amis incitent à se renfermer sur soi, à renoncer aux activités sociales.

On peut aussi interpréter nos résultats de deux manières différentes : parce qu’on accepte mieux la maladie, on tire un plus grand bénéfice de la réhabilitation respiratoire ou alors, c’est parce qu’on en tire un plus grand bénéfice* qu’on accepte mieux sa maladie. Je pense que le fait d’avoir accepté la maladie avant d’aller en réhabilitation ou au cours des séances permet d’en tirer un bénéfice par la suite. L’acceptation du handicap est donc à mon sens un facteur pronostic déterminant.

Par ailleurs, la recherche de pathologies du sommeil associées (syndrome des apnées obstructives du sommeil, insomnies, réveils nocturnes, syndrome de Chevauchement ou Overlap Asthme-BPCO…) et de thérapies pouvant améliorer le sommeil des patients pourraient, d’après nos résultats, favoriser l’acceptation de la maladie.

Propos recueillis par Hélène Joubert, journaliste.

* références :

 (1) L. Grassion, F. Le Guillou, A. Izadifar ,D. Piperno, C. Raherison-Semjen.  Facteurs associés à une mauvaise acceptation de la maladie chez les patients BPCO. Revue des Maladies Respiratoires (2019).https://doi.org/10.1016/j.rmr.2018.11.010

(2) Cochrane Database Syst Rev 2014;3:CD002990 ; (3) IntJChron Obstruct Pulmon_Dis_2016;11:2001-7 ; (4) JHealthPsychol2017;22:1570-81. ; (5) IntJ ChronObstruct Pulmon Dis 2016;11:963-70

* L’impact sur la longévité, l’essoufflement, la qualité de vie, est prouvé.

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