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BPCO : les prémices dans la petite enfance et in-utero ?

Le modèle classique de la constitution d’une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) – une fonction respiratoire normale avec un déclin accéléré – n’est pas l’unique trajectoire des personnes BPCO. Un autre profil existe, appréhendé récemment par les chercheurs. Ce sont des enfants nés avec une fonction respiratoire altérée due à une perte de capacité de développement pulmonaire. Chez eux, le « maximum atteignable de fonction respiratoire « , vers l’âge de 20 ans, est réduit.

Que sait-on en 2018 ? Le Dr Isabelle Pin, pneumo-pédiatre au CHU de Grenoble, dressait un état des connaissances au 22e Congrès de Pneumologie de Langue Française (CPLF, Lyon, 26-28 janvier 2018).

 

Les multiples trajectoires des patients BPCO

Il existe plusieurs trajectoires de fonction respiratoire. Parmi les personnes BPCO, la moitié suivrait la trajectoire classique, c’est-à-dire qu’elle part d’un VEMS (Volume Expiratoire Maximal par Seconde) optimal à l’âge de 20 ans, mais amorcerait ensuite un déclin accéléré de sa capacité respiratoire (1).

L’autre moitié des personnes BPCO aurait déjà, à 20 ans, une fonction respiratoire altérée. Certains n’ont pas de déclin accéléré par la suite (50% d’entre eux) alors que les autres voient leur fonction respiratoire chuter anormalement, à l’origine d’une BPCO.

Les études se sont focalisées sur l’importance de la fonction respiratoire à la naissance qui conditionne la fonction respiratoire à l’âge adulte, comme montré dans la cohorte de 826 nouveau-nés de Tucson (USA), suivis pendant 30 ans (2).

 

Des facteurs dans l’enfance (petit poids de naissance, infections) freinent la croissance pulmonaire et, de ce fait, la capacité maximale de fonction respiratoire à l’âge de 20 ans

Le suivi de 5 728 hommes nés entre 1911 et 1930 et revus dans les années 1980 a mis en évidence une corrélation entre le faible poids de naissance et le risque de décès par BPCO d’une part, une capacité respiratoire altérée (VEMS) d’autre part (3).

 

Tabagisme in-utero et prématurité limitent la fonction respiratoire

Deux facteurs prénataux ont été identifiés. Le premier est le tabagisme in utero. La compilation d’études au long cours incluant au total 20 000 enfants de 6 à 12 ans a fait ressortir l’impact du tabagisme de la femme enceinte à la fois sur le VEMS de son enfant, sur la vitesse maximale du souffle (débit expiratoire de pointe) et sur le débit des petites voies aériennes (4).

La prématurité entre aussi en ligne de compte. Elle expose à un déficit de la fonction respiratoire non négligeable chez les jeunes adultes, de -8,5% jusqu’à -18,9% en fonction de la sévérité (5).

 

Pneumonie, asthme et tabagisme passif, les facteurs postnataux influençant la fonction respiratoire

Plusieurs études sont en faveur d’une réduction de la fonction respiratoire ultérieure et du débit des petites voies aériennes à cause d’une pneumonie contractée avant l’âge de 3 ans (6) (7). La bronchiolite et l’asthme sont aussi identifiés comme induisant un déficit précoce et persistant de la fonction respiratoire à l’âge adulte (8) (9).

Une étude a dessiné les trajectoires variées des enfants asthmatiques en matière de fonction respiratoire (10). Un quart des enfants asthmatiques a une capacité respiratoire normale à 20 ans. 23% ont une croissance pulmonaire réduite avec un « maximum atteignable » réduit. 26% ont une croissance normale mais un déclin précoce de la fonction respiratoire, et 26% une croissance réduite suivie d’un déclin précoce à l’âge adulte. Reste encore à identifier les enfants à risque ayant cette dernière trajectoire qui les emmènerait plus facilement vers une BPCO de l’adulte.

Quoi qu’il en soit, l’asthme est un facteur clé : 17% des personnes avec un asthme initialement modéré et 44% un asthme sévère auraient, à 50 ans, une BPCO de stade 1 (GOLD) (11).

Par ailleurs, les enfants asthmatiques (7-18 ans) avec un déficit de fonction respiratoire plus important sont ceux ayant eu un asthme d’installation précoce et encore plus s’ils ont été exposés au tabagisme passif (12). Enfin, il n’est plus à démontrer que la pollution atmosphérique réduit la croissance pulmonaire. Les écarts de capacité respiratoire sont importants entre les enfants les plus et les moins exposés à la pollution, avec, sur huit ans, des réductions du débit des petites voies aériennes pouvant aller de 100 à 200 mL/s dans les groupes les plus exposés (13).

 

Asthme dans l’enfance, infections respiratoires sévères… les risques de développer une BPCO selon l’étude européenne ECRHS

Des données très intéressantes proviennent de l’étude européenne European Community Respiratory Health Survey (ECRHS) (14). Les chercheurs ont listé les « désavantages » dans la petite enfance vis-à-vis d’un déficit respiratoire à l’âge adulte : asthme maternel et paternel, asthme dans l’enfance, infection respiratoire sévère dans l’enfance, tabagisme maternel.

Plus de 13 000 adultes étaient vus entre l’âge de 20 et 44 ans puis vingt ans après. Il ressort que le déficit respiratoire est d’autant plus important que la personne cumule les désavantages. Par exemple, si elle cumule trois désavantages, la réduction du VEMS est de -274 mL chez les hommes -208 mL chez les femmes. Par comparaison, fumer plus vingt cigarettes/jour expose à une réduction de -112mL.

De plus, une personne a six fois plus de risque de BPCO (de stade 2 GOLD) lorsqu’elle cumule trois désavantages ; ce risque est multiplié par 3,7 en cas de tabagisme important (plus de 20 cigarettes/jour).

 Le fait de cumuler ces désavantages dans l’enfance semble aggraver la vitesse de déclin des fonctions respiratoires dans l’essai ECRHS. Néanmoins, faute de données, on ne peut aujourd’hui affirmer que l’asthme par exemple contribue à un déclin accéléré de la fonction respiratoire, au même titre que le tabagisme actif notamment.

 En résumé : Le développement pathologique de la fonction pulmonaire est sous la dépendance d’un terrain génétique particulier, du cumul de désavantages dans la petite enfance (tabagisme passif, infections graves des voies aériennes inférieures, asthme, pollution). Un déficit de fonction respiratoire encore aggravé en anténatal (tabac pendant la grossesse, prématurité). Tout cela contribue à un maximum atteignable de fonction respiratoire à l’âge de 20 ans réduit et place les personnes dans les conditions favorables pour développer une BPCO a fortiori lorsque se surajoutent un tabagisme actif ou une exposition professionnelle délétère.

 Hélène Joubert, journaliste

 

(1) Lange, NEJM 2015 ; (2) Barker, BMJ 1991 ; (3) Martinez, NEJM 2015 ; (4) Moschammeur, AJRCCM 2006 ; (5) Kopecha, Thorax 2013 ; (6) Shaheen, Thorax 1998 ; (7) Castro Rodriguez,  AJRCCM 1999 ; (8) Phelan, JACI 2002 ; (9) Sears, NEJM 2003; (10) McGeachie, NEJM 2016 ; (11) Tai, Thorax 2014 ; (12) Gilliland, AJRCCM 2003) ; (13) Gauderman, NEJM 2004 ; (14) Svanes, Thorax 2010

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